WISAMBO : lorsqu’un forage devient la fierté de tout un village
Lorsque l’on emprunte la route de Batouri pour se rendre à quelques kilomètres de la frontière avec la RCA tout est presque normal mais après 60 km en voiture tout devient difficile. A chaque avancée du véhicule la route se rétrécit, les habitations se rarifient et par la suite disparaissent. Pour les occupants du véhicule Il faut prendre son mal à patience, à moins d’y aller à pied, à condition d’avoir des mollets à toute épreuve. Là où il aurait fallu une poignée de minutes pour rejoindre le prochain village, nous devons faire 1h, avançant avec incertitude dans cette piste sombre recouverte par de hautes herbes. Puis la joie de voir à nouveau la lumière vive du jour embellie par cette couleur bleu cyan et quelques habitations. Nous sommes dans le village Wisambo.
Gaston le chef et quelques hommes du village sont réunis dans un hangar attendant patiemment le repas que leur préparent les femmes dans un autre hangar pas loin et servant de cuisine sous une pluie battante. Les cris joyeux des enfants jouant à quelques mètres de là, attirent notre attention et nous sommes frappés par la couleur bleue qui est très remarquable parmi le vert des feuillages et la couleur terne des habitations. « C’est là-bas notre tresor » nous glisse Gaston en souriant face à notre curiosité.
Ce village d’environ 950 habitants est situé à 2 km de la frontière avec la RCA. Entre problèmes de santé, d’éducation, d’enregistrement de naissances, de nutrition …… les habitants ne savent plus à quel saint se vouer. Leur plus grande fierté c’est un forage construit par l’UNICEF au milieu du village, près de la base de militaires en charge de la protection de la frontière.
Avant l’arrivée de ce forage les habitants avaient tous les problèmes de santé. Ils consommaient l’eau du marigot situé à plus de 10 km avec un accès extrêmement difficile. Et parfois même ils passaient des jours sans avoir une eau acceptable pour boire. « Lorsque la pluie tombait c’était très difficile pour nous parce que les cours d’eau se trouvent dans les profondeurs et l’eau de la pluie qui se déversait dans ces marigots les rendaient rouges de boue, nous devrions alors attendre au moins 24h pour avoir une eau buvable et priant qu’une autre pluie ne s’abatte pas entre temps. Nous étions obligés d’envoyer quelques personnes avec des récipients au village Gaina situé à 35 km qui a un forage et cette eau de pas souvent bonne qualité ravitaillait tout le village. » Nous raconte l’adjudant Valère, chef détachement de la protection de la frontière qui vit avec cette population depuis près de 2 ans.
Aujourd’hui l’UNICEF a doté ce village d’un forage équipé d’une pompe à motricité humaine. « Vous pouvez le remarquer, ce forage est la seule construction faite en matériel importé. Ici tout est construit en piquets et pailles, tout le matériel vient de notre forêt. » nous fait remarquer Gaston. Il se souvient que les travaux de la construction de ce forage ont été la principale distraction du village pendant plusieurs jours.
Après avoir servi le repas aux hommes, Joséphine une habitante du village et d’autres femmes prennent leurs récipients et avec beaucoup d’enthousiasme elles se dirigent vers le point d’eau. Interrompant les enfants qui y ont trouvé leur aire de jeu, elles leur rappellent que leur moment est terminé. « Avant, aller chercher de l’eau pour le ménage était un moment pénible pour nous et rien qu’à y penser nos visages se fermaient. L’endroit était accidenté et très éloigné, en rentrant avec nos bassines chargées sur la tête et après de nombreux kilomètres nous avions souvent mal à la tête sans compter l’eau pas saine du tout. Nous y allions vraiment par contrainte. Aujourd’hui nous le faisons avec beaucoup de joie, c’est presque comme un jeu. Il nous arrive même nous les mamans de discuter le rôle de celle qui va effectuer le mouvement répété de pompage et cela sous le regard amusé de nos enfants » nous dit-elle en riant. « L’eau c’est la vie, vous nous avez donné la vie » conclut-elle.
C’est autour du chef que cette journée s’achève. Tout le monde est réuni pour se raconter des blagues, des contes et autres dans une très bonne ambiance. « Au- delà de nous approvisionner en eau claire et buvable, la construction de ce forage a prouvé que nous n’avons pas été oubliés. L’on nous demande souvent comment nous avons fait pour avoir un si beau forage vivant pourtant dans une extrême pauvreté et je réponds à chaque fois que Dieu n’oublie personne. » Nous dit-il.
Gaston, leader fier, veille à ce que sa communauté reste en bonne santé. Il a des rêves plus élevés pour les enfants de son village. Bien que la vie à Wisambo soit difficile et l’avenir des enfants incertain, il saisit toutes les opportunités pour faire un plaidoyer pour que les enfants finissent leur éducation, car l’école n’a aucun enseignant et les parents n’ont aucun niveau scolaire pour transmettre aux enfants. Il pense qu’avec l’éducation, les enfants auront de meilleures chances de vivre puisqu’ils ont désormais les chances de rester en bonne santé.