Vacciner jusqu’au dernier kilomètre : le périple de deux agents de santé communautaire dans la jungle des chantiers miniers à l’est du Cameroun
Accessibles uniquement par pirogue, sans eau potable, sans électricité et sans centres de santé, les chantiers miniers aurifères où vivent des centaines d’enfants enregistrent le plus fort taux de sous-vaccination dans le pays. L’UNICEF et ses partenaires sont en croisade contre cette sous-vaccination à travers le soutien aux agents de santé communautaire et par le biais du « rattrapage » ou « catch up ». Cette opération cible principalement les zones d’accès difficile afin de vacciner tous les enfants. Maiga et Michel sontagents de santé communautaire qui vivent à Bétaré-Oya dans l’est du Cameroun. Ils sont dévoués à la vaccination des enfants dans les chantiers miniers de Boufa et Babongo. Ce type d’engagement a permis à la région de l’est de réduire de 27% les cas d’enfants « zéro dose »
Pour atteindre et vacciner les enfants vivant dans les chantiers miniers de Boufa et Babongo, il faut de l’amour et de la détermination à toute épreuve. Le voyage de Maiga et de Michel Zoyang Aoudou débutent à bord d’une motocyclette louée à 10 000 FCFA aller-retour. La piste en terre rouge est gorgée d’eau de pluie tombée la veille. Il faut esquiver les flaques d’eau, affronter les pentes escarpées et, souvent, la moto s’embourbe. Maiga et Michel sont alors contraints de descendre de la moto et d’effectuer une partie du trajet à pied. Pendant ce temps le conducteur de la moto appuie sur l’accélérateur pour dégager les roues du piège de la boue, obligeant les passagers à marcher à pied
Malgré ses bottes, les pieds de Michel s’enfoncent de plusieurs centimètres dans la boue épaisse. Il porte en bandoulière la glacière contenant des vaccins qu’il tient précieusement.
Après une bonne dizaine de minutes, la moto redémarre et prend sur le chemin ses deux passagers. Après plusieurs arrêts forcés et une trentaine de minutes plus tard, Maiga et Michel atteignent enfin la rive gauche du fleuve Lom. Il faut embarquer moto et passagers à bord de Titanic, une pirogue que pagaie un gaillard silencieux. Le voyage dure quelques minutes. Maiga et Michel remontent sur la moto et affrontent à nouveau les flaques d’eau et les pentes abruptes et glissantes noyées dans un décor constitué de sites miniers à l’abandon.
Près d’une heure plus tard, Maiga et Michel atteignent enfin Boufa, le premier campement minier. Celui-ci est constitué d’une cinquantaine d’abris de fortune réalisés avec des piquets de bois et des sacs en plastiques, où vivent Camerounais et réfugiés Centrafricains. L’atmosphère est inondée de ronflements de pompes à moteurs. A proximité des abris, se trouvent des fosses rectangulaires construites en ciment, dans lesquelles l’or est extrait.
“Lorsque nous atteignons les campements, nous surveillons tous les paramètres : la nutrition, l’enregistrement des naissances, les cas d’enfants non vaccinés ou sous-vaccinés etc. “
Mais aujourd’hui, la mission est plus précise. Après les civilités d’usage auprès du chef de campement, Maiga et Michel débutent la vaccination contre la poliomyélite et examinent tous les enfants.
Dans l’un des abris, une enfant de 17 mois est repérée comme « enfant zéro dose ». En effet, elle n’a jamais reçu aucune dose de vaccin DTC 1 ni de vaccin contre la poliomyélite. Sa mère, handicapée depuis l’enfance, se révèle tout de suite hostile à la vaccination de sa fille. Maiga et Michel prennent donc le temps de lui expliquer l’importance des vaccins. Après une dizaine de minutes d’échanges, la mère accepte que sa fille reçoive les deux gouttes du vaccin contre la polio. C’est une victoire pour Maiga et Michel, qui notent le cas pour assurer un suivi ultérieur.
« Il faut absolument vacciner les enfants qui vivent ici sinon on court le risque qu’une fois passé de l’autre rive, ils peuvent contaminer les autres enfants. » affirme Maiga.
La vaccination se poursuit dans le campement de Babongo, à l’allure plus neuve. Ici, le chef du village émet des réserves sur les vaccins. Une fois de plus, Maiga et Michel réussissent à convaincre.
A la fin de la journée, Maiga et Michel ont réussi à vacciner une cinquantaine d’enfants contre la poliomyélite et s’engagent à revenir sur place pour le suivi des autres vaccins.
« Nous souhaitons vivement avoir un bateau à moteur et des moyens de locomotion plus adaptés afin de continuer à garantir à tous les enfants une vaccination complète et de qualité », plaide Maiga dont le regard anxieux scrute les nuages lourds et bas qui annoncent une pluie imminente.
« Nous devons partir tout de suite si nous voulons être à Bétaré Oya ce soir », tranche-t-elle avant de monter sur une moto et de reprendre le périple du départ.
Ecrit par Clémentine Sinquin et Marie Guy Bandolo