Quand des jeunes apportent identité et espoir aux enfants victimes de crises humanitaires
À Zamalva, une petite bourgade dans la commune de Mokolo, la pluie fine qui tombe ce vendredi matin n’affaiblit en rien la détermination de Brigitte, Abdel, Fadimatou, Madia et Hadidja. Ces jeunes membres dévoués du Réseau Communautaire de Protection de l’Enfance (RECOPE) sont en mission. Ils parcourent de longues distances à pied pour atteindre des familles dans des zones isolées, identifiant les enfants sans acte de naissance et les aidant à obtenir leur passeport pour la vie.
Leur travail rentre dans le cadre du Projet ‘Réponse d’urgence multisectorielle pour les enfants dans les zones les plus touchées par les conflits et les crises’, mis en œuvre par l’UNICEF et son partenaire Action Pour le Respect des Droits de l’Homme et la Dignité Humaine (ARDHU), grâce au financement conjoint du Central Emergency Response Fund (CERF) et UNICEF. Le projet vise à fournir une réponse d’urgence multidimensionnelle en matière d’eau, hygiène et assainissement, de nutrition et de protection pour les enfants vulnérables les plus affectés par les conflits et les crises.
De l’identification des enfants à l’organisation de sessions de formation, en passant par la collecte d’informations, les démarches administratives et la distribution des actes de naissance, ces jeunes font un travail remarquable. Ils organisent des réunions communautaires avec les leaders, parents et tuteurs en vue d’échanger sur l’importance de l’enregistrement des naissances et effectuent des visites à domicile pour informer et encourager les parents à enregistrer leurs enfants, ainsi qu’identifier les enfants en besoin d’actes de naissance encore couverts par le délai de 90 jours.
« Nous organisons des campagnes pour identifier les enfants sans acte de naissance, allant de porte à porte pour recueillir des informations essentielles comme les noms, les dates de naissance et les circonstances de la naissance des enfants », explique Hadidja, la cheffe de projet.
« Grâce à nos sessions de sensibilisation de masse, nous convainquons les parents de l’importance des actes de naissance. Ils acceptent de commencer le processus avec notre soutien. Les RECOPE les appuient dans la rédaction du formulaire d’enregistrement de naissance, ainsi que la compilation des autres documents obligatoires des parents et témoins de la naissance. Ce dossier est transmis au Travailleurs Sociaux qui procèdent à la vérification du dossier avant soumission aux autorités compétentes, ce qui peut inclure des visites au tribunal ou au bureau de la documentation civile à la mairie », ajoute Madia.
Ce processus peut être long et nécessite un suivi rigoureux de la part de nos jeunes champions. « Une fois les actes de naissance délivrés, nous les remettons aux familles. Ce mois, nous avons distribué 20 actes de naissance », déclare Abdel, membre du RECOPE de ZAMALVA.
Parmi les 20 bénéficiaires de ce mois, on trouve les jumeaux Matassi et Hele. Leur mère, Guimi, déplacée interne, n’a pas pu effectuer les consultations prénatales ni se rendre à l’hôpital pour l’accouchement, en raison du trajet long et coûteux. Elle a accouché à domicile avec l’aide de sa belle-mère. Aujourd’hui grâce à l’approche de porte à porte, son cas a été découvert par Abdel, RECOPE de Zamalva et Madia, travailleur social d’ARDHU, qui ont immédiatement pris les mesures nécessaires. « Je suis heureuse que mes enfants soient désormais officiellement citoyens camerounais. J’espère qu’ils pourront poursuivre leurs études le plus loin possible », affirme Guimi après avoir reçu les actes de naissance de ses enfants.
Le travail de nos 5 champions pas toujours aisé : « Nous devons accéder à des zones reculées, souvent sans moyen de transport. Ce n’est pas toujours facile de convaincre les familles de l’importance de l’enregistrement des naissances, surtout dans les zones de conflit où notre sécurité est menacée. Malgré ces obstacles nous persévérons », Souligne Brigitte.
La Région de l’Extrême-Nord du Cameroun fait face à des crises sécuritaires et des violences intercommunautaires, entraînant des déplacements massifs et des violations des droits humains. Les conditions de vie des déplacés sont précaires, et les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables. La situation humanitaire reste critique avec une insécurité alimentaire aiguë et des souffrances importantes causées par les violences.
Dans ce contexte, beaucoup d’enfants se retrouvent sans existence légale, ce qui limite leur accès à des services essentiels comme l’éducation, la santé, les services sociaux de base, et la protection juridique. Les obstacles incluent l’inaccessibilité des centres d’état civil, l’ignorance des parents, le manque de ressources. Cette situation expose les enfants à des risques accrus de violence, d’exploitation, de trafics et d’apatridie.
Grâce à l’engagement de Brigitte, Abdel, Fadimatou, Madia et Hadidja, de nombreux enfants ont désormais une identité légale. « Depuis le début de notre activité dans le cadre de ce projet financé par CERF/UNICEF, sous la supervision technique du personnel de l’UNICEF, les résultats sont encourageants. Les communautés que nous visitons ont toutes montré une prise de conscience croissante sur l’importance de déclarer les naissances. De nombreux parents ont pris des mesures pour régulariser la situation de leurs enfants non déclarés. Notre engagement dans ce projet nous a appris une leçon : le changement commence par une volonté personnelle et se renforce par une action collective », conclut Hadidja.
— — — Par Salomon Beguel, Communication Officer
