« Nous ne sommes pas de simples numéros ou des codes sur des dossiers ! »

Nous, adolescent(es) et jeunes vivant avec le VIH, issues des 10 régions du Cameroun, constatons que nous devons encore nous battre chaque jour pour nous faire entendre et nous faire reconnaitre comme acteurs. Nous existons ! Nous ne sommes pas de simples numéros ou des codes sur des dossiers ! Nos constats sur le terrain sont inquiétants ! C’est donc notre devoir et notre droit, en tant que principales personnes concernées, d’alerter les acteurs engagés dans la lutte contre le VIH/ Sida.

Nous, adolescent(e)s et jeunes vivant avec le VIH, ne sommes pas reconnus comme une « population clé » de la lutte contre le VIH ! L’UNICEF nous qualifie même de « laissés-pour-compte ». Nous subissons un retard important dans l’accès aux traitements antirétroviraux (ARV). Les traitements ARV, notamment pédiatriques sont largement insuffisants et près de 60% d’entre nous n’y ont pas accès. C’est notre santé et notre vie qui sont en danger.

L’accès aux examens de suivi biologique, indispensables au succès des traitements, est limité et irrégulier. 97% d’entre nous attendent et ne savent pas comment leurs corps réagissent aux médicaments, ce qui s’y passe. Est-ce que ça marche ? Est-ce qu’ils peuvent espérer un futur ? Sans examens (tests de résistance), ils ne peuvent pas le savoir. Nous continuons à mourir prématurément à cause de la non-considération que certains d’entre vous continuent de manifester à notre égard et rien qu’en 2019, 3413 d’entre nous ont tragiquement perdu la vie.

Plus que notre droit à la santé, c’est l’ensemble de nos droits qui sont remis en cause. Du fait de notre statut sérologique, nous subissons de multiples stigmatisations et discriminations qui limitent notre accès non seulement à l’éducation mais aussi à l’emploi (74% de perceptions de discrimination). Notre avenir est donc en danger.

Les gens oublient que nous sommes d’abord des adolescent(e)s et jeunes avant d’être des personnes vivant avec le VIH. Nous avons les mêmes droits que les autres ! C’est vrai : le suivi médical est très important pour notre santé. Mais le suivi psychologique, l’aide sociale, les réponses adaptées à nos besoins en santé sexuelle et reproductive sont aussi essentielles pour notre développement. Nous avons besoin d’une prise en charge complète pour nous aider à prendre soin de notre santé, à faire face aux discriminations et aux autres challenges que nous rencontrons.

« Les réponses pour nous doivent être construites par nous et avec nous ! »

Devant cette situation, nous, adolescent(e)s et jeunes vivant avec le VIH des dix régions du Cameroun, demandons aux décideurs nationaux et internationaux de renforcer les mesures pour l’élimination de la transmission du VIH de la mère à l’enfant et pour la réduction des nouvelles infections chez les adolescent(e)s et jeunes à travers le renforcement de la prévention et de la sensibilisation car oui les 8687 nouvelles infections enregistrées chez les enfants et les adolescents en 2019 sont inacceptables !

Pour nous qui vivons avec le VIH, les décideurs doivent garantir l’accès gratuit, de qualité et continu à tous les traitements ARV, pour toutes les lignes, y compris les formes pédiatriques. Cela peut aider à éviter de nombreux cas de mauvaise observance, de résistance et donc de décès.

Les décideurs doivent aussi garantir la disponibilité des traitements contre les infections opportunistes à tous les adolescent(e)s et jeunes, y compris pour les coinfections qui se multiplient pendant l’adolescence.

Aujourd’hui plus qu’hier, nous appelons avec urgence à garantir aux enfants, adolescent(e)s et jeunes vivant avec le VIH un environnement juridique et légal qui ne les discrimine pas, ne les stigmatise pas, en sanctionnant notamment les cas de violation de la confidentialité, et en mettant fin au test de dépistage du VIH pour l’accès à la formation et à l’emploi.

Oui, nous existons ! Nous sommes là et nous sommes indispensables à la fin de l’épidémie !

Les réponses doivent être construites par nous et avec nous ! La participation des adolescent(e)s et jeunes vivant avec le VIH dans la réponse contre le VIH au Cameroun doit devenir une réalité. Nous demandons une meilleure place dans les instances et cadres de décision qui nous concernent aussi bien au sein des associations qu’aux niveaux national et international. L’Etat et les partenaires au développement doivent investir dans les initiatives conduites avec ou par les adolescents(e)s et jeunes vivant avec le VIH auprès de leurs pair(e)s et des autres jeunes. Il devient donc impératif d’investir dans le renforcement des capacités des adolescent(e)s et jeunes vivant avec le VIH pour qu’ils/elles deviennent des leaders efficaces pour la société.

Notre vie a de la valeur, et vous ne devez jamais l’oublier ! »