Extrême Nord :

UNICEF Cameroon
6 min readApr 11, 2024

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Fuir, abandonner ses biens et ses rêves, et manquer de tout, pour sauver sa vie

Aissatou et son enfant dans la chambre qu’elle partage avec ses 08 autres enfants et sa coépouse au camp des déplacés à Chegoule (Fideline Minda/UNICEF/2024)

L’insécurité dans l’Extrême Nord du Cameroun continue de pousser sur les routes des milliers de familles qui fuient leur vie pour trouver un refuge. Parmi les personnes déplacées, nombreux sont des femmes et enfants. Les déplacés continuent d’arriver chaque jour dans les communautés d’accueil ; c’est le cas dans les villages de Chegoule, Ouro Tada et Ouro Magadji (Mokolo) où l’UNICEF, à travers ses partenaires locaux de mise en œuvre, mène des actions de mobilisation communautaires sur les bonnes pratiques WASH et distribue des kits WASH aux déplacés. « Nous avons enregistré 17 ménages aujourd’hui, et plus de 53 il y a deux semaines. Ceux qui sont arrivés avant ont bénéficié de savons, sceaux, bidons de l’UNICEF. Pour les nouveaux, c’est la communauté qui leur vient en aide en attendant d’autres appuis » commente GAIVABA, le Lawane de Chegoule.

à gauche Zalyawou et ses enfants, à droite Soureya faisant la vaisselle (Fideline Minda/UNICEF/2024)

Zalyawou et Soureya sont veuves. Leur mari a été tué lors d’une attaque au village Ldoubam vers Mokolo, à l’Extrême Nord. Elles ont dû quitter leur maison pour sauver leur vie et celles de leurs enfants. Les jeunes veuves, âgées de 32 et 30 ans, ont respectivement chacune 7 et 6 enfants. Elles doivent désormais faire front toutes seules, sans l’aide de leur mari que la violence a arraché à la vie. Elles sont arrivées à Chegoule avec leurs 13 enfants. Elles n’avaient ni abri, ni matériel de base pour s’installer. « Le Chef nous a donné trois nattes où nous pouvons nous coucher avec nos enfants » nous dit Soureya. L’un des besoins les plus urgents signalés concernait l’accès au matériel pour l’hygiène. « On n’avait même pas de seau pour aller puiser de l’eau au puit. Lorsqu’on a reçu les seaux et les savons, on a enfin pu les utiliser pour aller chercher de l’eau au puit, nous laver, laver nos enfants et nos habits » déclare sa coépouse Zalyawou.

Après une courte pause au village de Magoumaz, Soureya a dû rentrer au village, laissant ses enfants avec sa coépouse, pour aller chercher de quoi manger car, dit-elle, « au village on peut cultiver nos champs et récolter pour manger. Ici on n’a rien ». Il y a de cela deux semaines, elle était obligée de fuir à nouveau « J’étais au village quand il a encore eu une attaque, j’ai fui pour retrouver ma famille ici ».

A ce phénomène s’ajoute le choc climatique qui rend les conditions de vie plus complexes et désagréables. « Les bâches chauffent tellement, les enfants pleurent toute la nuit à cause de la chaleur. Le chef nous a prêté une chambre chez lui, c’est mieux là-bas », raconte Zalyawou.

Lady, Catherine et Djiné (Fideline Minda/UNICEF/2024)

Catherine, Lady, Djiné ont en commun leur triste histoire. Elles ont tout abandonné, leur maison, leurs biens pour venir affronter une nouvelle vie à Ouro Tada. « On avait un chez-nous, maintenant on loge chez les gens » commente Catherine avec tristesse. Catherine était enceinte de 8 mois quand elle a fui. Son enfant a deux mois aujourd’hui. « C’est compliqué ! mon ventre était très lourd, ça me pesait, mais je devais courir, il s’agissait de ma vie et de celle de mon bébé aussi. Nous avons fui pendant la nuit ». Et Lady d’ajouter « On a tout laissé derrière nous, on n’a rien emporté, il fallait juste se sauver. Tout ce que nous possédons maintenant ce sont les kits qu’on nous a donnés à notre arrivée ici ». Les trois femmes vivent avec leur famille au quotidien. Leurs maris partent aider la communauté pour avoir de quoi manger pendant que de leur côté elles vendent des beignets et des bois domestiques pour subvenir à certains besoins de la famille. Lady confie « je ne compte pas repartir encore là-bas ». Catherine, elle, ajoute : « Le village n’existe même plus, donc c’est compliqué de rêver d’y repartir »

AFFLUX DE NOUVEAUX DEPLACES

à gauche Danagui entouré par ses enfants et sa belle-mère et à droite Digaw dans la maison maison d’accueil

17 ménages déplacés le 14 mars 2024 à Ouro Tada. 53 ménages à Chougoule village voisin il y a deux semaines à la suite d’une attaque qui a eu lieu dans le village Magoumaz. Parmi eux, Haima Zakari, père de 10 enfants, a fui avec sa famille. « J’ai dormi cette nuit en montagne, ma femme, mes enfants et ma mère ont pris fuite pour venir ici ». Sa femme qui a été obligée de fuir avec un nourrisson de 3 jours… « Je n’avais pas d’autre choix que de porter mon bébé dans mes bras et fuir. C’était mon troisième jour après l’accouchement, mais on devait sauver notre vie. Mon mari nous a rejoints le lendemain ».

Digaw vient d’arriver à Ouro Magadji ce 14 mars 2024, au village de Mokolo. Il a fui avec sa femme, ses trois enfants, sa mère et ses 4 cadets. « La mort est dure, on a eu peur parce qu’il y a eu une attaque avant-hier dans le village. Nous n’étions plus nombreux encore là-bas ; le village est presque vide, mais avec tout cela ces gens reviennent finir avec nous. On a préféré fuir comme les autres », raconte-t-il. La communauté d’accueil a donné une chambre à Digaw, il pourra y rester en attendant avec sa famille « Nous avons eu cette chambre à notre arrivée, c’est vide mais on verra comment l’aménager pour dormir cette nuit. Certes ça sera dur, mais il n’y a pas d’autre choix. C’est moi qui prends la charge de toute la famille, car mon père est décédé. Au village on avait nos terres qu’on cultivait, c’est de l’agriculture qu’on vit. Mais ici, l’accès à la terre sera difficile. Ce qui est important, c’est qu’on a la vie sauve. On va voir ce qu’on peut trouver comme activité pour ne pas mourir de faim ».

En novembre 2023, l’UNICEF a apporté une assistance en kits wash (kits de dignité, pots pour bébé, seaux, gobelets, bidons, savons) à plus de 1 056 ménages affecté par le conflit armé dans l’arrondissement de Mokolo à l’Extrême Nord. Des appuis supplémentaires pourront aider ces déplacés à avoir une vie un peu meilleure « Il n’y a que deux forages pour toute la communauté, et avec les déplacés qui s’ajoutent chaque jour, l’accès à l’eau devient difficile. Quelques forages de plus pourront nous aider à pallier ce problème d’eau », telle est la doléance de Lagoua Gaivaba, Chef du canton Chegoule.

écrit par Fideline Minda, stagiaire communication UNICEF Cameroun à l’extrême-nord

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