À la recherche des « perdus de vue » de la vaccination.
L’association de femmes AFDSA au cœur de l’action.
Parmi les actions menées pour la vaccination des enfants de 0 à 11 mois, le district de santé urbain de Ngaoundéré a décidé de s’adjoindre les services d’associations de femmes. L’AFDSA (Association des femmes dynamiques de Sabangari America) est l’une d’entre elles.
Le rôle de l’AFDSA est de retrouver les fameux « perdus de vue », ce qui veut dire que l’association est en charge de la recherche des enfants et femmes enceintes qui ont interrompu leur vaccination, ainsi que de la surveillance communautaire des maladies évitables par la vaccination.
Quand elles retrouvent un de ces enfants, les femmes de l’association, soucieuses du bien de leur communauté, expliquent, sensibilisent, convainquent sur la nécessité de la vaccination. Puis, elles remettent aux familles une fiche avec laquelle les parents se rendront au centre de santé. Ce processus permet ainsi de quantifier le travail et l’apport de ces associations de femmes dans la baisse des taux d’abandon dans l’aire de santé et au niveau du district de santé.
Hadidjatou, sa présidente, est motivée par cette mission. Elle explique : « La vaccination, c’est le moyen de protéger les enfants contre les maladies. Ce n’est pas possible pour certaines maladies, mais quand le vaccin existe, il faut le faire ».
Pour cela, elle doit convaincre également, et surtout, les pères, encore souvent réticents dans cette communauté à dominante musulmane, explique-t-elle.
Elle précise toutefois que cette situation évolue et que les hommes se laissent de plus en plus convaincre, une fois qu’ils ont bien compris les enjeux.
Mais, selon elle, il existe un élément récurrent qui explique l’abandon de la vaccination : la distance. En effet, nombre de ces familles qui dépendent des aires de santé qu’elle et son équipe couvrent, sont parfois semi-nomades, vivent à de longues distances des centres et doivent, pour s’y rendre, emprunter des routes difficiles, longues, poussiéreuses. Elles doivent donc disposer de temps, mais également d’un moyen de locomotion. La plupart du temps, ce sont les motos qui peuvent entreprendre ces trajets, mais encore faut-il avoir le moyen de s’acquitter du montant de la course. Ce qui est rarement le cas.
Afin d’illustrer cette problématique, Hadidjatou, présidente de AFDSA, accompagnée d’une membre, Yasmine, et d’un agent de santé communautaire, Mouhamadou, nous emmènent rencontrer la famille de deux bébés perdus de vue, dont le père de famille accepte pourtant la vaccination de ses enfants, même si beaucoup reste à faire…
Une famille isolée
Nous rejoignons le centre de santé de Bamyanga Hamadjangui, dans la région de l’Adamaoua, à 8 km de Ngaoundéré. De là, nous nous dirigeons vers le village Malaou Beka. Après plus d’une heure et demi de piste chaotique, sinueuse, ensablée, semée d’ornières, nous rencontrons le père de famille, Oussama, venu nous accueillir et nous guider pour le dernier quart d’heure de trajet. Nous arrivons au campement de la famille. Le mari est éleveur et c’est en premier lieu son troupeau de bœufs que nous verrons.
Puis, il nous présente ses deux épouses : Aya et son bébé Souaïbou et Doudou et sa petite fille Aïchatou, les deux étant âgés d’à peine quelques mois.
Quand Hadidjatou demande aux deux mères pourquoi elles ne sont pas venus aux rendez-vous de vaccination du mois dernier, elles répondent qu’elles vivaient trop loin, puis qu’elles ont déménagé pour cet emplacement sans trouver ni le temps ni l’argent pour continuer la vaccination de leurs bébés respectifs.
Oussama a, en tout, 9 enfants dont aucun n’a suivi le protocole complet de vaccination, et dont 4 n’ont même pas reçu la première dose qu’est le BCG.
« Avant, admet-il, j’avais peur de faire vacciner mes enfants. Je pensais que si on démarrait le processus, mais que je devais arrêter en cours de route, mes enfants tomberaient malades ».
Aujourd’hui il comprend que la vaccination est importante, mais peine encore à être assidu, d’autant qu’il a changé de lieu de vie à cause de la précarité dans laquelle il vivait. Il a donc migré jusqu’à ce lieu isolé où il peut cultiver une parcelle de terre afin de nourrir sa famille. Et la distance devient quasiment insurmontable.
Des mamans convaincues
Dès qu’un membre de l’équipe s’adresse aux mamans, l’une comme l’autre offrent toute leur attention. Pourtant, tout n’est pas assimilé et la sensibilisation doit encore être approfondie.
Ainsi, si Aya, l’une des épouses, n’a jamais craint de faire vacciner ses enfants, elle n’avait pas compris que lorsque son bébé ne reçoit qu’une dose de vaccin alors qu’il en faut plusieurs, il n’est pas protégé contre la maladie. Elle s’étonne et l’agent communautaire s’assoie près d’elle afin de lui expliquer. Doudou se précipite, très intéressée et attentive. Les mamans sont donc demandeuses d’information, avides de comprendre comment protéger leur enfant, et le père convaincu lui aussi.
Conclusion, les deux bébés iront au centre de santé pour leur prochaine vaccination le vendredi suivant, s’accordent-ils tous. Et cette fois, le rendez-vous sera bien honoré comme sera ravie de nous l’annoncer par téléphone Hadidjatou, le jour dit. L’information, la sensibilisation sont donc deux points essentiels qui ont encore besoin d’être dispensé, mais qui ont prouvé leur efficacité.
Ces populations sont démunies et manquent d’information. Le travail fait par les associations de femmes, avec le soutien primordial des agents de santé communautaires est donc essentiel et portent ces fruits. Toutefois, les deux femmes de l’AFDSA soulignent qu’elles pourraient faire bien plus si elles disposaient d’un peu de moyen, l’accès à ses populations étant le point noir de leur travail. Elle paie avec leurs deniers personnels les motos taxis qui acceptent de les mener dans ces villages reculés et les campements comme celui de Oussama et sa famille.
Si elles disposaient au moins de motos elles-mêmes, leur tâche serait quelque peu facilitée.